Le malaise de la recherche scientifique en Afrique et dans le monde arabe : quelles raisons et quelles remédiations ?

Numéro thématique coordonné par Halima BOUARI, Hafida KASMI et Abdelkrim BENSELIM

Dates importantes

  • 20 octobre 2020 : dernier délai pour la réception des articles.
  • 30 décembre 2020 : mise en ligne du n° 7 de la Revue algérienne des lettres RAL, sur la plateforme ASJP ainsi que sur le site officiel de la revue

La recherche scientifique est étroitement liée à la prise de conscience sociale de l’intérêt économique et politique du progrès scientifique. Son essor et son installation comme institution sociale de développement économique sont assujettis au regard que portent les pouvoirs publics aux chercheurs et à la politique de recherche desdits pays. Pour instituer la recherche et l’intégrer dans le circuit économique, un cadre juridique, une politique et des stratégies doivent définir ses espaces d’interactions et les acteurs avec lesquels cette recherche interagit, car le chercheur « a besoin de tout un espace politique, social et juridique qui lui garantit son plein épanouissement » (Thiombiano, 1990). Il a également besoin d’évoluer, de planifier et de s’investir dans le long terme. À titre d’exemple, en Algérie, les recensements du CNER[1] pour l’année 2018, affirment que le nombre de recherches en sciences humaines et sociales est appréciable ; les diplômes délivrés représentent un nombre très important ; les colloques et les publications scientifiques qui font l’éloge de certaines universités sont divers et multiples. Dans le domaine des sciences dites dures, la quantité de travaux de recherche est aussi impressionnante, le nombre de diplômes délivrés dans toutes les spécialités est important. Mais ne s’intéresser qu’aux chiffres en mettant en exergue des statistiques « encourageantes », sans se soucier du volet qualitatif et de l’activité intellectuelle proprement dite serait une erreur stratégique dont les conséquences sont déjà manifestes sur l’état de la recherche scientifique. Ne pas interroger les travaux réalisés sur leur impact socio-économique, sur leur véritable contribution à l’amélioration des conditions de vie de la population serait un non-sens qui accélèrerait le dépérissement de l’université.

En Afrique et dans le monde arabe, le domaine de la recherche n’est pas souvent perçu comme directement contributeur au développement économique, et l’activité de recherche se voit reléguée au rang d’activité secondaire vers laquelle on ne se retourne que d’une manière ponctuelle ou circonstancielle. Cela expliquerait que de nos jours – bien que le champ de « la culture intellectuelle » (Bachelard, 1938) soit fertile avec ses mutations et ses innovations, l’intérêt que porte le chercheur à la recherche scientifique sérieuse demeure timide voire même quasi absent ! Cet état de fait expliquerait la migration des chercheurs africains et ceux du monde arabe vers d’autres cieux à la quête de plus de visibilité en vue d’explorer de meilleures possibilités pour la mise à contribution de leurs savoirs et de leurs savoir-faire. « Là-bas », ils trouveront les conditions de leur épanouissement et « [jouiront] davantage de considération et de respect et où [ils] pourront trouver de meilleures conditions pour leur exercice et leur développement » (Niang, 2003). Les instances politiques africaines et arabes en semblent fort conscientes, mais elles minimisent les enjeux stratégiques de la recherche la condamnant à l’oubli alors que dans les pays d’accueil, ces mêmes chercheurs constitueront un moyen important de développement. C’est pourquoi il est temps de réfléchir à cette problématique qui influe sur nos chercheurs et sur le fonctionnement de nos universités. Les chercheurs, les jeunes docteurs et doctorants doivent faire preuve de plus de vigilance épistémologique puisque leurs recherches visent « à produire des connaissances dans des formes et des normes reconnues par la communauté scientifique régissant le domaine concerné » (Reuter, 2004).

Ce qui nous mène à nous interroger sur l’existence ou non de ces formes et de ces normes dans la recherche universitaire africaine et arabe et sur le malaise ambiant qui l’entoure. À l’intérieur des universités, les instances scientifiques ont pour mission de veiller à la conformité des travaux réalisés avec les normes universelles en vue de créer d’une manière indubitable un climat qui favorise la recherche et la valorise tout à la fois. Elles doivent également s’assurer de l’utilité économique et sociale de ces travaux et leur impact sur l’environnement immédiat de l’université. Cela permet au chercheur de prendre conscience de sa responsabilité dans le monde qu’il est en train de transformer via ses productions scientifiques, ses inventions et d’inscrire ses activités – qui impliquent la réflexion, l’analyse et la critique- parmi les autres activités humaines. Toutefois, nous sommes en droit de nous demander si à l’intérieur des universités africaines et arabes, les normes citées plus haut sont appliquées et si les instances scientifiques remplissent leurs missions. Sinon comment expliquer qu’après les soutenances des thèses, un grand nombre de chercheurs rompent avec la recherche, que des doctorants abandonnent à mi-chemin ? Comment expliquer que des chercheurs de rang magistral ne produisent pas de savoir ? D’un autre côté, le classement de ces universités à l’échelle internationale laisse apparaître un déphasage entre elles et le reste des universités du monde. Cela renseigne sur la nécessité de revoir tous les programmes, de les actualiser, de reconsidérer les typologies des formations proposées en fonction de leurs apports économiques et scientifiques et de revoir les politiques de recherches en les mettant en relation avec les secteurs socio-économique, scientifique et technologique. Les publications scientifiques, par exemple, se doivent d’être au cœur des réalités économiques et sociales du monde qui les entoure.

C’est pourquoi, une remise en question est nécessaire pour mettre en place une « Kulturnation » (Kant, 1798). Nous attendons des contributions de ce numéro de nous éclairer sur le malaise dans lequel baigne l’université, sur les obstacles qu’elle affronte et les défis auxquels elle doit faire face au XXIe siècle, tout comme c’est l’occasion pour nous d’ouvrir un débat sur l’état de la recherche, sur ses répercussions économiques et sociales sur les sociétés africaine et arabe. De la même manière, nous interrogerons les programmes, les types de formations dispensées, la formation des formateurs, la formation continue et leurs implications sur la qualité de la recherche. À cet effet et pour répondre aux questionnements cités plus haut, nous proposons les axes de réflexion suivants :

La mainmise de l’administration sur la pédagogie, la recherche ainsi que les laboratoires (et corollairement la minorisation des conseils scientifiques et autres instances pédagogiques) se répercute sur l’esprit d’initiative, sur la création et le bon fonctionnement de l’université. Sous ces conditions, quelle politique pour l’université de demain ? Que faire pour transformer l’université en un espace de production des savoirs et savoir-faire ? Les laboratoires sont souvent des entités sans objets scientifiques et sans vision à long terme. Comment en faire alors des espaces d’innovation et de production scientifique réelle ? Pourrait-on exiger de la recherche des résultats si l’activité pédagogique est mal prise en charge ? Comment permettre la progression continue des enseignants-chercheurs et que faire pour entretenir leur motivation ? Pourquoi l’éthique ne gouverne-t-elle plus l’université et pourquoi la déontologie se résume-t-elle à un recueil de lois sans effet sur la gestion ? Le plagiat est devenu un phénomène qui menace les assises et les fondements de l’université. Pourquoi a-t-il pris une telle ampleur et pourquoi un chercheur recourt-il au plagiat ?

Modalités de soumission

Les contributions à ce numéro seront soumises via la plateforme ASJP (Algerian Scientific Journal Platform, le portail des revues scientifiques algériennes). Pour cela, et avant la soumission, il est nécessaire de :

Les articles doivent être rédigés selon le template téléchargeable sur la page de la revue à la rubrique « Instructions aux auteurs ».

 

 

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